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Histoire de l’or français : l’or de guerre disparu
En 1940, les armées du 3ème Reich se présentent au siège de la Banque de France. Entrés dans Paris depuis moins de 24h, les officiers de la Wehrmacht espèrent mettre la main sur l’or français, détenu dans les salles de la Souterraine dans le 1er arrondissement de Paris. Mais à leur arrivée, les précieux lingots ont déjà disparu. Retour sur la folle aventure humaine qui aura permis de sauvegarder les stocks d’or de France !
1932 : l’évacuation de l’or commence
En septembre 1939, la France comptait 2500 tonnes d’or dans les salles de la Souterraine : de l’or majoritairement français, mais aussi polonais et belge, confiés par ces pays alliés aux solides portes de l’un des plus grands coffre-fort du monde. Cette institution, créée en 1800 par Napoléon Bonaparte est alors encore un organisme privé, indépendant de l’Etat et des actionnaires. Situé à trente mètres sous terre, le deuxième stock d’or du monde après celui des Etats-Unis est fortement convoité par les nazis : la Souterraine n’est pas conçue pour demeurer close face à des envahisseurs, en cas d’occupation de la ville.
Dès 1932, et face à l’évolution de la situation en Allemagne, la Banque de France décide de déplacer l’or loin des frontières de l’est. Car si la plus grosse partie de l’or français est entreposée dans la Souterraine, le reste est disséminée dans les 200 succursales dont la banque dispose sur le territoire national. L’hexagone est à ce moment-là découpé en trois zones : une zone à risque proche des frontières, une zone intermédiaire et une zone proche des ports militaires. Les premiers transferts se font en plusieurs étapes : dans les premiers mois de 1932, 148 succursales sont vidées de leur contenu. 275 tonnes d’or se rapprochent des côtes dans le secret le plus absolu.
1938 : l’Europe est au bord de la guerre
En septembre 38, les démocraties espèrent sauver la paix aux accords de Munich. Le risque de guerre est toutefois toujours élevé. Malgré la mobilisation de l’industrie française automobile, mécanique et aéronautique depuis 1932, les stocks d’armes ne sont pas suffisants ; la France se tourne donc vers la première puissance industrielle, les Etats-Unis, pour l’achat d’équipement militaire. Le gouvernement français passe commande de dizaines de milliers de camions, de carlingues d’avions et de moteurs pour accélérer le processus de réarmement militaire français. En échange, 600 tonnes d’or sont expédiées aux USA.
1939 : l’intervention de Lucien Lamoureux
En mai 1939, tout l’or des succursales françaises à proximité des frontières a été évacué vers celles situées près des ports de Toulon, Brest et Le Verdon. Le 1er septembre 1939 Hitler envahit la Pologne. Deux jours plus tard, l’Angleterre et la France, alliés de la Pologne déclarent la guerre à l’Allemagne.
Au moment de l’entrée en guerre de la France, il reste encore 620 tonnes d’or dans la Souterraine. A l’époque, Lucien Lamoureux est le ministre des finances de Paul Reynaud. Bien qu’il ait expliqué en conseil des ministres qu’il fallait évacuer l’or à l’étranger, il se heurte à une forte opposition. L’image de la France est en péril, d’après les ministres : ce serait un signe de débâcle qui risquerait d’inquiéter la population. Malgré les ordres, Lucien Lamoureux prend la décision de commencer l’évacuation de l’or. Le gouvernement français n’eut aucune réaction à cette initiative, confortant Lamoureux dans sa décision. Trois navires français quittent le territoire en mai 1940, pour Halifax au Canada : parmi eux, l’Emile Bertin, surnommé le Lévrier des Mers. Il repart une nouvelle fois de Brest le 11 juin avec 255 tonnes d’or, le plus gros transfert réalisé par un seul bateau.
Juin 1940 : l’évacuation du port de Brest
En juin 40, les Allemands ont gagné : Paris est assiégée. Parmi les cinq salariés de la Banque de France engagés dans l’évacuation de l’or, Felix Stiot est chargé de vider le fort de Portzic, à Brest, où sont encore entreposées 750 tonnes d’or. Cela représente 16200 caisses et sacoches de lingots d’or, qui doivent être amenés au port de Brest puis chargés sur le bateau : un véritable travail de titan dans un laps de temps très court. René Gontier, fidèle de la banque de France, assiste Stiot dans la manœuvre. Sous le bombardement et le feu des mitrailleuses des avions allemands, les navires sont peu à peu remplis d’or.
Le 17 juin 1940, le maréchal Pétain annonce la capitulation de la France. Les journaux des communications des bateaux sont contradictoires : l’évacuation continue cependant, allant à l’encontre des ordres de Pétain. Le 18 juin, on signale des troupes allemandes à proximité de Brest, c’est la panique. Pendant ce temps-là à Lorient, la frégate Victor Schœlcher embarque l’or belge et polonais confié à la France, soit 6150 caisses. Enfin, l’or est chargé à Brest. Le Victor Schœlcher rejoint la flotte monumentale qui prend la direction de Dakar. Avec 1100 tonnes, c’est le plus grand convoi d’or de l’histoire. Un potentiel immense vient d’être mis hors de portée de l’envahisseur.
L’or de France reste neutre
Le 22 juin 1940, le général De Gaulle dénonce l’armistice accepté par le gouvernement de Bordeaux. Dans les colonies, l’or français devient l’objet de toutes les convoitises, notamment des britanniques qui craignent l’issue de la Guerre et la nouvelle position de la France occupée. Mais à qui appartient désormais l’or de France, au maréchal Pétain ou au général De Gaulle ? La réponse est simple : c’est l’encaisse or de la banque de France à proprement dit, cet or appartient donc à la banque de France, qui est alors une entreprise privée ! Ses employés en charge du transfert de l’or décident donc de mettre à l’abri leurs précieux biens.
Au début de juillet 1940, l’or français est donc réparti en trois endroits du globe : aux Etats-Unis à New-York, aux Antilles puis en Martinique, et en Afrique. Bien que Vichy accepte assez rapidement de donner accès à l’or aux allemands, le statut privé de l’institution de la Banque de France, qui ne se sent pas liée par les conditions du gouvernement de Pétain, ralentit les négociations. Finalement, l’or belge est sacrifié en 1942, à la demande de la Belgique : les allemands l’utilisent aussitôt pour payer leurs achats d’armement à la Suisse.
En novembre 1942, la France de Vichy perd peu à peu ses colonies. Les salariés de la Banque de France sont isolés et livrés à eux-mêmes. Ils se revendiquent gardiens de l’or, sans responsabilités sur lui et ne pouvant donc le livrer à quiconque sans autorisation du siège. En Martinique comme en Afrique du Nord, ils parviennent à conserver l’or à l’abri des conflits politiques jusqu’en 1944.
La libération de Paris
Le 26 août 1944, Paris est libéré. Alors que le général de Gaulle descend les Champs Elysées victorieusement, l’or de la France est intact. 1235 tonnes d’or sont aux Etats-Unis et au Canada, 390 tonnes se trouvent à Alger et un reliquat à Casablanca, 350 tonnes sont entreposées à Kayes ou en transit à Dakar. Enfin, 255 tonnes attendent en Martinique. Pratiquement six ans plus tard, la presque totalité de l’or français rejoint la Souterraine. Après la guerre, la France prendra sur son stock pour indemniser la Belgique ; l’or polonais, lui, sera rendu à ses propriétaires.
Sur les 2500 tonnes d’or de la France, il manque six ans plus tard 395 kg. C’est peu, au regard des multiples dangers affrontés : chargement, transports par air, terre ou par mer, débâcle, bombardements ennemis, débarquement, sous-marins, allers-retours politiques.
L’or rapatrié servira à la reconstruction de la France : il permettra de faire la soudure pendant plus de deux ans, jusqu’en 1948, date de la mise en place du Plan Marshall. En pleine débâcle, entre défaite militaire, vacance du pouvoir politique, et désorganisation administrative, l’or de la France a été sauvé. Ce sont d’abord des procédures prévues et rodées par la banque de France qui l’ont arraché des griffes des nazis dans l’immédiat avant-guerre, et dans les premiers mois du conflit. Ce sont ensuite les initiatives personnelles, les compétences professionnelles et le courage individuel de quelques hommes qui l’ont préservé pendant les quatre ans d’hostilité.
Récit d’après le documentaire « L’or de France disparu »
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